"Nous suivîmes le chemin de l’autoroute du soleil dans le sens Cannes-Marseille, en direction du plus grand centre de prise en charge globale du cancer du sein de la région. Le rendez-vous fut pris pour vérifier si le premier protocole de chimiothérapie mis en place depuis février avait bien ralenti la progression de « la bête ».

Ce n’était pas un parcours de santé, mais à bien y réfléchir, plus un « chemin de croix », une procession solennelle, un slalom géant à sauts de puce, l’esprit embarrassé de pensées irrationnelles sans résultat, sans un mot qui ne soit adéquat, en quête d’une grâce divine, grassement méritée. La tension était perceptible et lourde à transporter sur deux-cents kilomètres de longs silences. Elle s'assit à mes côtés en prenant soin de caler un coussin dans son dos. Le manque de confort au sein de l’habitacle de ce fourgon, servant d’ordinaire au transport de mes œuvres d’art en galeries, lui raviva ses pénibles douleurs dorsales. Elle me reprocha de viser chacune des bosses de la route et d'avoir un véhicule dépourvu d'amortisseurs. Dieu que ses yeux bleus étaient beaux ! Même si je l'entendais de plus en plus se plaindre, j’étais toujours captivé par l’iris de son œil, un saphir bleu profond et précieux, anesthésiant et enivrant ; à la regarder, je restais sur « pause », en arrêt sur image, je nageais dans le bonheur, dans les profondeurs de son cœur."